Critiques
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Mustapha Chelbi
Critique d'Art et Ecrivain

Notre destin n'est-il pas écrit avec la main du hasard et ne sommes-nous pas, en quelque sorte, l'œuvre de la précarité ?
C'est la raison pour laquelle nous cherchons à survivre, à durer à travers la peinture, la poésie ou la musique. Ainsi se définit Fatima Binet : « Je me suis mise à la peinture par hasard et sans l'avoir décidé...

Il y a quelques années, je me suis trouvée devant un chevalet pour peindre. Dès le premier contact avec la peinture, j'ai immédiatement compris que ma vie allait se lier à la toile. J'ai ressenti une passion charnelle que les mots ne peuvent exprimer...

Ma première toile a obtenu un prix... J'étais étonnée du résultat et ce succès me gênait. J'ai alors fréquenté des ateliers de peinture et je me suis mise à peindre nuit et jour ».

Fatima Binet organise les signes du hasard ceinture la toile de la ferveur originelle, habille la toile d'un voile de pudeur et déshabille le corps des femmes, elle peint ses œuvres aux couleurs d'argile et d'azur, de terre et de ciel et restitue le plus secret d'elle-même.

Dans ses rapports avec la toile, Fatima Binet est totale, entière et authentique. Que cherche donc à transmettre cette femme dévorée par le besoin de dire vrai et qui considère la toile comme un miroir devant lui révéler l'image de son âme ?
A cela, elle répond que lorsqu'elle tient un pinceau, elle ne sait pas du tout ce qu'elle va peindre. Les choses prennent forme petit à petit.
Au début, Fatima met les couleurs spontanément, sans réfléchir où elle les pose. Elle ne cherche ni l'harmonie, ni la composition, ni l'ordre, ni le sens, ni la forme, ni la figure. Une fois les couleurs posées, elle arrête de peindre et ne reprend la toile que quelques jours plus tard. C'est alors que la toile se donne à elle et lui livre ses secrets.
Les personnages commencent à apparaître et elle n'a plus qu'à les entourer avec du fusain. Les ambiances de couleurs mêlées à la vapeur enlacent de jolis corps de femmes déambulant dans la pénombre.
Cette plasticité érotique donne à rêver et l'émotion du hasard prend place dans la volonté du destin.

Fatima Binet exprime la générosité des gens pittoresques de ses villages en rehaussant la toile par le rappel subtil de la géométrie, des tissages, et des couleurs de sa ville bien aimée Fès à ses bleue, à s'y perdre !
Elle plonge dans le flou du hammam qui est un espace de toilette, mais aussi de séduction et de plaisir. Elle rend hommage à l'éternel féminin, ce qui rend son œuvre encore plus sensuelle.

Depuis la particularité culturelle de son pays, elle arrive à exprimer quelque chose d'universel. Fatima Binet se cherche dans cette double identité qui fait à la fois sa force et sa faiblesse. Fatima poursuit son aventure picturale consciente que le tableau se fait de lui-même et qu'elle n'est là que pour l'aider à s'accomplir. Elle est enfin déterminée à poursuivre sa quête picturale avec beaucoup d'amour.